Les fourmis du Liban

Les fourmis sont les insectes les plus massifs sur terre. 1/1000 insecte est une fourmi. Par conséquent, elles jouent un rôle écologique considérable, étant une source de nourriture importante des passereaux (petits oiseaux). Au niveau de l’écologie des sols, vu qu’elles se nourrissent principalement de déchets organiques, d’insectes et de petits cadavres, elles jouent un rôle stratégique de décomposeurs, participant à la propreté des surfaces et à l’apport de biomasse dans les sous-sols où elles creusent leurs galeries.

Le haut niveau de complexité des colonies de fourmis ne s’arrête pas aux limites de leur espèce, puisque certaines exploitent ou parasitent d’autres espèces de fourmis, gardent des troupeaux de pucerons, ou cultivent des champignons.

Au niveau phylogénétique, les fourmis (Formicidae) appartiennent à la famille des hyménoptères, les insectes à double paires d’ailes. Chez les fourmis, seules les reines et les mâles ont conservé ces traits, les ouvrières les ont perdues au cours de l’évolution. Pour identifier les différentes espèces, la longueur et la forme du pétiole, soit la partie reliant le thorax à l’abdomen chez les hyménoptères (la fameuse taille de guêpe), constitue un critère important.

Les fourmis sont polymorphes : ce sont non seulement les mâles et les reines dont la forme diffère des ouvrières, mais il existe également parfois deux types de femelles stériles, les mineurs (ouvrières) et les majeures (soldats).

Les espèces de fourmis diffèrent par la taille des colonies qu’elles forment (de quelques centaines d’individus à des millions), par leur régime alimentaire (certaines chassent, d’autres récoltent des grains, d’autres encore cultives des champignons ou gardent des troupeaux de pucerons).

La connaissance des fourmis du Liban est hautement redevable à Georges Tohmé qui a consacré sa thèse puis, avec son épouse Henriette, une vie de recherche aux fourmis du Liban. Ils identifièrent 110 espèces sur le territoire libanais (voir Tohmé&Tohmé, 2014). Ces espèces appartiennent à cinq sous familles : les Ponerinae, les Dorylinae, les Myrmicinae, les Dolichoderinae et les Formicinae.

Ponerinae

Les Ponerinae sont facilement identifiables grâce à leur pétiole simple et surtout l’étranglement du gastre. Ce sont des fourmis vivant en petites colonies de quelques centaines d’individus. Elles possèdent un dard et se nourrissent de cochenille. Il en existe deux espèces au Liban : Ponera punctissima et Ponera libani.

Les fourmis du genre Ponera se distinguent par leur façon de nicher : elles forment leur nid dans de petites cavités, ou « hublots », dans des arbres, des rochers ou autres structures naturelles.

Dorylinae

Les Dorylinae sont des fourmis prédatrices. Surnommées fourmis légionnaires, elles sont réputées pour leur agressivité et leur capacité à former d’immenses colonies de dizaines de millions d’individus. Elles chassent toute sorte d’arthropodes.

Au Liban, on trouve uniquement une espèce du genre Dorylus, la D. fulvus, et cela dans la région de Beyrouth. Ce genre regroupe les fourmis nomades, qui ne construisent pas de nid permanent, mais se déplacent au gré des disponibilités en nourriture. Cette mobilité est facilité par le fait que, au contraire de la plupart des espèces qui produisent leur couvain à une certaine période de l’année (souvent en début d’hiver), les fourmis nomades n’ont pas de saison de ponte et se reproduisent à n’importe quel moment de l’année. La caste des ouvrières est polymorphe, avec des soldats ayant des têtes bien plus grosses armées de mandibules pareilles à des sécateurs. Si elles sont dotées d’un dard, il est rare qu’elles l’utilisent, privilégiant leur mâchoire puissante. Quand elles arrivent sur une proie, c’est tout l’essaim qui s’y attaque, le recouvrant et le cisaillant de leurs mandibules.

Elles forment un élément-clé de nombreux écosystèmes, aidant à contrôler les populations d’autres insectes, et constituant une source importante de nourriture pour de plus grands prédateurs, comme les oiseaux et certains petits mamifères.

Dorulus fulvus

Myrmicinae

Les Myrmicinae est la plus grande des sous-familles de Formicidae. Ces fourmis sont facilement identifiables grâce à leur pétiole constitué de deux parties, ou nodosités. La plupart forme des petites colonies de quelques centaines ou milliers d’individus.Il en existe 11 genres au Liban.

Aphaenogaster

Les Aphaenogaster sont les fourmis formant un nid sous-terrain dont l’entrée est réhaussée d’un cone de terre caractéristique du genre, et destiné à éviter l’inondation des galeries. Elles se nourrissent autant de plantes que de petits animaux, contrôlant ainsi les populations d’insectes et contribuant à l’enfouissement de matière organique dans le sol.

Crematogaster

Les Crematogaster – littéralement gastre suspendu – ont un abdomen relevé de façon caractéristique. Elles le dressent en cas d’alerte. Elles sont dites acrobates pour leur capacité à se contorsionner et leur habileté pour se déplacer sur toute sorte de surface et à échapper aux prédateurs. La plupart des espèces sont arboricoles, elles se nourrissent tout autant d’insectes, de nectar et de miellat, que de fruits et de graines. Elles ont tendance à élever les pucerons, les protégeant contre les prédateurs, afin de bénéficier de leur miellat. Les Crematogaster acquièrent leur nourriture par la prédation sur d’autres insectes comme les guêpes. Elles utilisent leur venin pour étourdir leurs victimes.

6 espèces de Crematogaster peuvent être observées au Liban.

Crematogaster hespera

Leptothorax

Les Leptothorax vivent en petites colonies comptant entre quelques dizaines et plusieurs centaines d’individus. Ce nombre restreint est compensé par un « parasitisme social temporaire » grâce auquel les Leptothorax bénéficient des ressources accumulées par d’autres colonies, et économisent ainsi l’énergie dépensée dans la construction de leur propre structure.

4 espèces peuvent être observées au Liban.

Leptothorax

Messor

Les colonies peuvent atteindre de grandes tailles, et sont connues pour leurs graineteries complexes dans lesquelles les graines sont conservées au sec, afin d’éviter toute germination.

16 espèces peuvent être observées au Liban.

Tohme & Tohme ont étudié et élevé des colonies de Messor ebeninus.

Les colonies de Messor ebeninus peuvent être trouvées partout au Liban dans les sols friables, depuis les sols sableux de la côte aux terres rouges du versant Est du mont Liban.

Messor ebeninus minor © antwiki.org

Monomorium

Monomorium pharaonis, la fourmi pharaon est une petite fourmi claire à transparente. Très présente dans les zones urbaines, elle est considérée comme nuisible. Vu qu’elle multiplie ses colonies par bourgeonnement, à l’instar de presque toutes les autres fourmis invasives de petite taille, chaque nid « satellite » comprenant plusieurs reines pondeuses, ce qui rend son éradication très difficile une fois qu’elle est installée en nombre.

Memorium pharaonis © antwiki.org

Pheidole

La plupart des espèces du genre Pheidole ont des ouvrières bimorphes, c’est-à-dire que les colonies contiennent deux castes d’ouvrières, les mineures, et les majeures, ou soldats. Ces derniers ont une grande tête et des mandibules plus développées.

Pheidole megacephala

Pheidole megacephala est à l’origine une fourmi mangeuse de mite qui se nourrit également de petits arthropodes. Introduite un peu partout dans le monde, elle fait partie de la liste des 100 espèces les plus invasives au monde selon l’IUCN, étant responsable de l’extinction de nombreux invertébrés là où elle s’installe.

Oxyopomyrmex

Ces fourmis sont reconnaissables à leur corps svelte et leurs mandibules effilées.

© antwiki.org

Solenepsis

Fourmis piqueuses, leur dard injecte un venin puissant dans leurs proies, et qui peut provoquer des allergies chez l’homme.

L’espèce présente au Liban est Solenopsis fugax. Il s’agit d’une fourmi voleuse qui, s’établissant à proximité de la colonie d’une autre espèce, creuse des tunnels menant à ses galeries pour y dérober la nourriture, voire le couvain.

Solenopsis_fugax_stealing_Tapinoma_brood @ antwiki.org

Tetramorium

Appelées aussi fourmis des pavés, les fourmis du genre Tetramorium construisent leur nid dans les creux et les crevasses des chemins, trottoirs et bâtiments. Elles jouent un rôle important dans les écosystèmes urbains, et constituent une source de nourriture importante pour de nombreux oiseaux. 13 espèces peuvent être observées au Liban.

Tetramorium caespitum © antwiki.org

Dolychoderinae

Cette sous-famille se caractérise par un pétiole simple et un orifice en forme de fente pour la libération de ses substances chimiques, dont elle use, puisqu’elle ne possède pas de dard.

Bothriomyrmex

Biothriomyrmex vivent en petites colonies comptant de quelques dizaines à plusieurs centaines d’individus. Elles élèvent des pucerons et d’autres insectes producteurs de miellat, qu’elles collectent et consomment. Les Tohmé ont étudié et élevé des colonies de Bothriomyrmex syrius.

© antwiki.org

Liometopum

Les fourmis du genre Liometopum ont un corps sombre duveteux. Elles sont arboricoles et forment des grands nids de plusieurs mètres de diamètre dans les arbres. Ces nids sont un composé de brindilles, feuilles et de la salive des fourmis qui crée une structure solide et durable.

Liometopum microcephalum © antwiki.org

Tapinoma

Les fourmis du genre Tapinoma sont facilement observées dans les zones urbaines, et envahissent souvent les maisons à la recherche d’un gîte et de nourriture. Elles sont attirées par les substances sucrées et pénètrent souvent dans les cuisines et les dépôts à la recherche de nourriture. Elles sont aussi réputées faire les poubelles et se développer dans les décharges. Elles construisent leurs nids dans les cloisons, sous les surfaces, ou autres cachettes. Elles sont facilement identifiables grâce à leurs antennes pliées à angle droit, ainsi que leur pétiole très court.

Tapinoma simrothi © antwiki.org

Formicinae

Les formicinae sont la sous-famille contenant les fourmis qui ont peu évolué, retenant ainsi les traits primitifs, tels que la présence d’un cocon autour de la nymphe, ou la possession d’ocelles (cellules photosensibles sur le haut de la tête) chez les ouvrières. 9 genres peuvent être observés au Liban.

Acantholepis

Les Acantholepis sont désormais intégrées au genre Lepisiota. Elles nichent dans le bois mort ou les arbres vivants, ou à même le sol lorsque l’habitat n’est pas forestier.

Les Tohmé ont étudié et élevé des colonies d’Acantholepis frauenfeldi, A. Syriaca, et Cataglyphis frigida. A. frauenfeldi élève des pucerons et des cochenilles, dont elles récupèrent le miellat.

Camponotus

Camponotus est un genre très répandu. 17 espèces peuvent en être observées au Liban.

Fourmis charpentières, elles sont réputées pour leur capacité à creuser le bois. Comme les termites, elles sont douées d’assez puissantes mandibules pour le découper. Mais à l’inverse des termites, elles ne peuvent s’en nourrir. Simplement, elles y nichent. Au niveau écologique, les fourmis charpentières participent à la dégradation du bois mort et d’autres éléments végétaux, et au nourrissement des sols. Toutes les espèces de ce genre vivent en symbiose avec une bactérie interne appelée Blochmannia jouant sûrement un rôle dans son alimentation. On peut facilement l’observer sur les branches de fenouil, où il vit aussi en relation de commensalisme avec le fenouil commun et les pucerons qui s’y nourrissent, nettoyant ces derniers de leur miellat et régulant leur population de telle sorte que la plante-hôte n’est pas mise en danger.

Ant defending aphids against a ladybud © ARL

Cataglyphis

Les Cataglyphis sont des fourmis du désert, qui peuvent donc être observées dans les régions arides. Ces fourmis se caractérisent par leur adaptation aux conditions désertiques. Elles sont dotées d’un remarquable sens de l’orientation utilisant la position du soleil, et endurent des températures s’élevant à 70°C.

Les fourmis du déser sortent de leurs galeries souterraines à la recherche de nourriture en plein midi. Elles se dispersent marchant en zigzag sur le sable sur plus de cinquante mètres à la recherche de nourriture. Puis elles rentrent en ligne droite directement au nid. De petite taille, elles ont un corps recouvert de fins poils qui retiennent l’humidité, et de grandes pattes qui leur donnent une vive allure.

Au Liban, on en rencontre huit espèces.

Cataglyphis bicolor © antwiki.org

Lasius

Du grec lasios : poilu, les fourmis Lasius sont répandues dans les marécages, dû à leur capacité à supporter les conditions humides du bois pourri ou les sols imbibés d’eau. Ces conditions requièrent une gestion de l’humidité dans les galeries pour que ne s’y développent pas de champignons ou de bactéries pathogènes. Elles créent aussi des colonies satellites situées à proximité de la colonie-mère et reliées par un réseau de tunnels. Cela leur permet d’étendre leur territoire et de garantir des galeries non inondées.

Au Liban, trois espèces peuvent être observées. Parmi elles, Lasius emerginatus élève des pucerons pour leur miellat.

Lasius emerginatus © antwiki.org

Paratrechina

Paratrechina longicornis a été introduite récemment dans toutes les aires tropicales où elle est considérée comme nuisible. En particulier, elle a un attrait particulier pour le courant électrique, causant par conséquent des dommages importants sur les réseaux par les court-circuits qu’elle provoque et les feux qui peuvent alors être déclenchés.

Elle forme de vastes colonies avec plusieurs reines, ce qui leur permet de s’imposer rapidement sur un territoire.

Paratrichina longicornis © antwiki.org

Plagiolepsis

Les fourmis du genre plagiolepsis sont très actives et se démènent sans cesse à la recherche de nourriture.

Prenolepsis

Les fourmis du genre Prenolepsis n’hibernent pas, mais continuent leur activité en plein hiver, ce qui suppose une très bonne adaptation au froid.

Bibliographie

Documentaire généraliste « La planète des fourmis« 

Tohmé & Tohmé, « Nouvelle liste des fourmis du Liban« , Lebanese Science Journal, vol. 15, 1 (2014), p. 133-41.