Les lézards du Liban

Agamidae Laudakia Vulgaris 2
Laudakia vulgaris © Ramy Khashab

Lézards (Sous-ordre des Sauria)

Les lézards forment le plus grand groupe de reptiles au monde avec plus de 7 000 espèces connues réparties dans quasiment toutes les latitudes du globe exceptées les plus froides. Leur taille varient d’1.5 cm (un gecko) à 3.2 m (le dragon de komodo).

Avec les serpents, ils forment l’ordre des Squamata (littéralement « qui possède des écailles »). Mais à la différence des serpents, la plupart des lézards possèdent des membres, des oreilles externes et des paupières. Seulement l’évolution peut brouiller les pistes, puisque dans plusieurs des embranchements, des lézards en sont venus à perdre leurs membres et même leurs yeux (voir ci-dessous), sous la pression de l’adaptation au milieu souterrain, effaçant ainsi leur distinction visible d’avec les serpents.

Certains lézards sont carnivores, principalement insectivores, d’autres sont herbivores, ou encore omnivores. La plupart des espèces est ovipare – elle pond des oeufs, mais certains donnent directement naissance à un petit – elles sont vivipares.

Les lézards du Liban

Du fait de la grande variété d’habitats sur un territoire restreint, et à la faveur du climat clément de la Méditerranée, le Liban possède une belle diversité de lézards, 22 espèces ayant jusqu’à ce jour été enregistrées (quelques autres restent à confirmer). Cinq d’entre elles sont considérées comme menacées sur la liste rouge de l’UICN. Les lézards du Liban relèvent de huit familles : la plupart sont des Lacertidae et des Scincidae, mais on trouve aussi des Gekkonidae, des Phyllodactylidae, des Agamidae, des Chamaeleonidae, des Anguidae et des Blanidae. Tous les lézards du Liban sont diurnes : ils sont actifs le jour, exceptés les geckos (famille des Gekkonidae et des Phyllodadtylidae) dont l’activité est nocturne.

Les lézards vrais

Famille : Lacertidae

C’est la famille des lézards vrais, celle qui sert de paradigme à la description des lézards. C’est également à cette famille qu’appartiennent les lézards qui se sont adaptés à l’habitat humain, et peuvent ainsi être facilement observés à se chauffer sur les murets de pierre. Le Liban en compte sept espèces, dont trois sont menacées, en particulier une qui est endémique à la montagne libanaise.

La famille des lacertidés comprend trois espèces largement distribuées : le lézard du Liban (Phoenicolacerta laevis), le lézard à oeil de serpent (Ophisops elegans) et le plus grand représentant de la famille dans la région, le lézard vert du Levant (Lacerta media).

Le lézard du désert à petites écailles (Mesalina microlepis) est un espèce dont l’habitat est exclusivement semi-désertique.

© Ramy Khashab

Une espèce menacée est le lézard de Schreiber (Acanthodactylus schreiberi), résidant des plages sablonneuses, habitat qui lui est de plus en plus retiré par l’occupation humaine.

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Les deux autres lacertidés dont l’existence est menacée sont le lézard de Kulzer (Phoenicolacerta kulzeri) et le lézard de Fraa (Parvilacerta fraasi), les deux résidant dans les sols rocailleurs de haute montagne.

Les scinques

Famille : Scincidae

Les scinques sont généralement reconnaissables à leur cou ramassé, leurs écailles lisses et brillantes et leurs minuscules membres qui supportent leur mode de vie partiellement sous-terrain. Six espèces de cette famille sont implantées au Liban, dont l’une est menacée.

On compte parmi les scinques du Liban les deux plus petits reptiles du pays, à savoir le scinque de Rueppel (Ablepharus rueppellii) et le scinque de Budak (Ablepharus budaki), les deux n’excédant pas les 5 cm, et possédant une queue démesurée par rapport au corps.

On trouve également parmi les scinques le plus gros des lézards du Liban, à savoir le scinque de Schneider (Eumeces schneideri). Il possède des écailles spécialisées qui lui couvrent partiellement les oreilles, les protégeant du sable lorsqu’il s’y enfouit.

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Le plus commun des reptiles du Liban est le scinque rayé (Heremites vittatus / auparavant Trachylepsis vittata). Long d’une vingtaine de centimètres, il peut être aussi bien observé sur les plages de sable à Tyr que dans les hautes montagnes, telles le mont Sannine ou celui du Barouk. Son cycle de reproduction a été étudié par Fida Nassar et Souad Hraoui-Bloquet qui ont plus précisément porté leur attention sur le le développement cyclique des organes génitaux du mâle. Chez le scinque rayé, le mâle sort d’hibernation au mois de mars, mais ses testicules, jusqu’alors atrophiés, ne se développent qu’au mois d’avril, précisément au moment où les femelles sortent à leur tour d’hibernation, résultant dans une synchronie entre leur spermiogénèse et la saison d’accouplement. Puis, à partir de juillet, la taille de leurs testicules régresse considérablement.

Les deux espèces restantes sont le rare scinque à ocelles (Chalcides ocellatus) et son cousin aux membres atrophiés, le scinque de Gunther (Chalcides guentheri) qui est considéré comme vulnérable par l’UICN.

Geckos

Famille: Gekkonidae et Phyllodactylidae

Les Geckos sont de petits lézards nocturnes. Beaucoup d’entre eux sont capables de produire des sons, de petits grincements. Le Liban en héberge quatre espèces appartenant à deux familles distinctes : les Gekkonidae et les Phyllodactylidae.

Une seule espèce est recensée localement au sein des Phyllodactylidae. Il s’agit du gecko du Levant, ou gecko à pied en éventail (Ptyodactylus puiseuxi), le plus grand des geckos du Liban et facilement reconnaissable à ses orteils adhésifs.

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Le plus commun des geckos est le gecko domestique de Turquie (Hemidactylus turcicus) que l’on retrouve dans les recoins et sur les plafonds des maisons où ils débarrassent des mouches et moustiques.

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Les deux espèces restantes sont le gecko oriental (Mediodactylus orientalis), répandu autour de la Méditerranée et le gecko à pouce fin (Mediodactylus amictopholis), endémique du mont Hermont et de quelques autres régions sur les hauteurs du Mont Liban.

Agames

Famille : Agamidae

Les agames sont charactérisés par leur corps trapus, leurs écailles rugueuses et leurs pattes pour des lézards. Le Liban en héberge deux espèces.

Le plus gros des deux, et le plus répandu, est l’agame égyptien (Laudakia vulgaris). Il peut être trouvé dans tout type d’habitat et sa couleur varie en fonction de la région.

Couple © Ramy Khashab

La seconde espèce, l’agame à écailles pointues (Trapelus ruderatus), est restreinte à la région semi-désertique du nord de la Bekaa. Cet agame est de petite taille. Il se réfugie la plupart du temps sous les arbustes et entre les rochers pour se protéger de la chaleur.

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Chaméléons

Famille: Chamaeleonidae

On trouve au Liban une seule espèce de chaméléons, le plus commun, aussi appelé chaméléon de Méditerranée (Chamaeleo chamaeleon). Comme tous les chaméléons, il réside dans les arbres et est capable de changer de couleur en fonction de son environnement, de la luminosité et des dangers. Les chaméléons sont facilement reconnaissables à leur corps qui semble avoir été compressé de chaque côté, à leur grande tête, à leurs yeux qui bougent indépendamment l’un de l’autre (ce qu’on trouve aussi chez la mante religieuse), ainsi qu’à leur queue qu’ils utilisent comme un cinquième membre. Les chaméléons attrappent les insectes grâce à leur longue langue collante. L’espèce présente localement se retrouve partout au Liban, et peut même être vue sur des terres cultivées telles que les oliveraies.

© Ramy Khashab

Les orvets

Famille: Anguidae

Les anguidae forment une famille de lézards dénués de pattes, pour cela souvent confondus avec des serpents. A la différence des serpents cependant, ces lézards possèdent bien des oreilles externes, des paupières et manquent de la mâchoire flexible si propre aux serpents. Le plus long orvet du monde peut atteindre 1.5 mètres. Malgré leur taille et leur apparence étrange, les orvets sont totalement inoffensifs et se nourrissent principalement d’escargots et de limaces. Une seule espèce est recensée au Liban, à savoir l’orvet des Balkans (Pseudopus apodus).

Les lézards vermiformes, ou amphisbènes

Famille: Blanidae

Tout en appartenant à l’ordre des squamates comme les lézards et les serpents, les amphisbènes forment un embranchement à part. Ainsi, contrairement aux autres squamates apodes (tant orvets que serpents), ils ne se déplacent pas par ondulations latérales mais, grâce à leur peau mobile, rampent en ligne droite aussi bien en marche avant qu’en marche arrière. Le lézard vermiforme d’Alexandre (Blanus alexandri) est la seule espèce de la famille que l’on trouve au Liban. Adapté à la vie souterraine, il n’a plus que des yeux rudimentaires, plus de patte mais une tête robuste grâce à laquelle il peut creuser.  

Des pieds de toutes les formes

Les lézards se déplacent d’une façon très particulière : ils marchent en avançant simultanément une patte antérieure et la patte postérieure opposée, ce qui amène le corps à se contorsionner. Les scinques, qui sont des lézards vivant principalement au sol, dans la litière, en viennent à onduler leur corps, rampant presque à la manière d’un serpent. Leurs pattes, devenues secondaires dans le déplacement, en sont venues à s’atrophier, jusqu’à presque disparaître comme chez le scinque de Gunther. En maints embranchements de la famille des lézards, les pattes en sont venues à s’atrophier ou à disparaître, sous la pression de l’environnement à terre ou sous-terrain, conduisant à une convergence évolutive avec la forme et le mode de déplacement des serpents.

L’évolution des pattes des lézards est plus généralement une adaptation à la surface qui constitue leur habitat. Si les scinques sont des lézards de la litière, les lézards vrais privilégient les parois, les agames les rochers, les chaméléons les branches, et les geckos les feuilles. Les extrémités de leurs pattes sont, à chaque fois, parfaitement adaptées à ces surfaces. Ainsi, trois lignées de lézards, les geckos, les chaméléons et les anoles (ces derniers sont absents du territoire libanais) ont les écailles des extrémités modifiées en coussinets adhésifs, particulièrement marqués chez les geckos qui doivent adhérer aux surfaces lisses des feuilles. Ces coussinets sont composés de millions de sétules, des poils microscopiques qu’on trouve aussi chez les vers annélides, et qui adhèrent grâce à la force de van des Waals (attraction des atomes d’hydrogène principalement). Quant aux doigts des agames, leurs griffes leur permettent d’agripper les rochers, tandis que les doigts des chaméléons divisés en deux groupes opposés (ce qu’on appelle la zygodactylie) leur permettent la préhension des branches, ce qui constitue ici une convergence évolutive avec les oiseaux, aussi doués de zygodactylie.

Bibliographie

Hraoui-Bloquet, Souad, Sadek, Riyad, Sindaco, Roberto, Venchi, Alberto, “The Herpetofauna of Lebanon new data on distribution,” in Zoology in the Middle-East, 27 (2002), p. 35-46