Les hyménoptères

Les hyménoptères sont les insectes dotés de deux paires d’ailes membranées, par oppositions aux diptères – les mouches – qui n’en ont qu’une, et des papillons ont, eux, deux paires écaillées.

Deux images nous manifestent la haute complexité évolutive des hyménoptères. Ils nous mettent en présence de quatre hyménoptères pris dans deux des grandes branches.

Vespa orientalis dévorant une Apis mellifera sur une feuille d’olivier

Dans ce premier cliché, ce sont deux aculéates, des hyménoptères sociaux, un frelon d’une part, plus précisément Vespa orientalis, découpant une abeille (Apis mellifera de la race Apis syriaca) attrapée au vol au sortir de sa ruche, avant de la ramener à son propre nid pour nourrir ses larves.

Dans ce second cliché, on est du côté des Symphyta, et on voit une guêpe du genre des Asaphes plantant son ovipositeur dans un puceron momifié habité par une autre larve de guêpe endoparasitoïde, sûrement Aphidius ervi qui se nourrit du puceron et dont la larve de l’asaphes se nourrira à son tour. On a donc ici un cas d’ectoparasitisme (l’oeuf parasite est posé sur la proie) d’un endoparasitoïde (l’oeuf parasite est injecté dans la proie).

Ces deux exemples manifestent la haute complexité des hyménoptères qui peuvent être considérés comme un « sommet évolutif dans la classe des insectes » (Andrew Austin et Mark Dowton, Hymenoptera. Evolution, Biodiversity and Biological Control, p. 4).

Et cela fait des hyménoptères une des formes de vie animale dominantes sur Terre tant en termes de nombre d’espèces (> 115 000 selon Austin et Dowton) que de diversité de positions écologiques et de styles de vie. En effet, cet ordre comprend la majorité des insectes sociaux (fourmis, abeilles, guêpes et frelons) et des parasitoïdes tant phytophages que parasitant les pucerons (aphidoidea), des arachnides et d’autres insectes (diptera, lepidoptera, ou même d’autres hyménoptères).

Les interactions sociales ou parasitaires des hyménoptères ne sont pas simplement nombreuses avec les autres espèces animales, elles le sont aussi avec l’homme, si l’on se fie au témoignage de Ian Gauld au Barry Bolton. Je cite :

« Tant au niveau économique, esthétique que biologique, il y a peu de groupes d’animaux qui sont aussi importants pour l’homme que les Hyménoptères ».

Au niveau économique, certaines espèces sont des adjuvants. Les anthophila (abeilles) sont nécessaires à l’agriculture par le rôle de pollinisateur, rôle aussi assuré au sein des Apoidea, par des guêpes qui, adultes, se nourrissent de nectar, telle l’Isodontia splendidula, de la famille des sphecidae que l’on voit facilement butiner les chardons dans la plaine de la Bekaa, et ce même si elle chasse aussi de petits insectes qu’elle paralyse pour en nourrir ensuite ses larves.

L’espèce envers laquelle l’homme a la reconnaissance la plus ancienne est la seule abeille à passer l’hiver sous forme d’un essaim, l’Apis mellifera, sur les ruches de laquelle l’homme prélève différents produits : le miel d’abord, puis le pollen, la propolis et la cire elle-même qui forme les rayons.

Isodontia splendidula butinant une fleur de chardon

Enfin, un usage plus récent est celui de certaines espèces de guêpes parasitoïdes dans la lutte biologique, comme celles du genre Microgaster, de la famille des ichneumons qui parasitent certains papillons, comme le Bombyx, ravageur du pin.

Microgaster

Mais au niveau économique, c’est aussi un opposant, les parasitoïdes phytophages pouvant s’attaquer ainsi aux cultures, en particulier forestières, comme les sirex, genre de guêpe siricidae. Ainsi, le Sirex Noctilio est un parasite des conifères, nuisible du fait de sa symbiose avec un champignon, l’Amylostereum aerolatum qui fait pourrir l’arbre infecté.

Sirex nautilio, parasite des conifères

Mais contre le syrex géant (Orocerus gigas), guêpe de la famille des siricidés, qui parasite les troncs de conifères grâce à sa tarière impressionnante, une réponse par la lutte biologique a été trouvée : la Rhyssa persuasoria, guêpe de la famille des ichneumonidae, qui pond ses œufs à proximité des larves de sirex et les parasite à son tour. C’est un parasite de parasite, un superparasitoïde.

Orocerus gigas, autre parasite des conifères
Rhyssa persuasoria plantant son ovipositeur dans le tronc d’un arbre

Par le rôle esthétique des hyménoptères, nos auteurs entendent la contribution majeure des hyménoptères qui se nourrissent de nectar, les anthophila, dans le développement des fleurs en coloris attrayants et formes obligeant les abeilles et les guêpes à toucher les étamines porteuses de pollen lors de leur dégustation du nectar.

Enfin, l’intérêt que porte le monde savant à la biologie des hyménoptères dépasse le simple champ de l’entomologie, car la contemplation de ces insectes sociaux et architectes est la source de nombreuses méditations philosophiques, politiques et théologiques depuis Aristote jusqu’à Marx au moins.

C’est donc bien la diversité, la complexité et l’influence sur les autres espèces qui rend l’ordre des hyménoptères si remarquable.

Systématique

Pour synthétiser cette première rencontre avec les hyménoptères, on peut replacer les espèces aperçues dans les différents sous-ordres, familles, tribus et genres. Les embranchements proposés ici sont très incomplets, bien sûr, et comprennent sûrement des erreurs, mais il est finalement difficile de recouper les informations pour donner une image cohérente de leur classification. Ainsi, nous n’avons pas trouvé le nom scientifique des « parasitoïdes », dénomination inadéquate, puisqu’elle désigne aussi les hyménoptères sociaux.

            On distingue d’abord anatomiquement les Apocrita, groupe monophylétique des Hymenoptera comportant un rétrécissement au niveau du thorax, la fameuse taille de guêpe, et un groupe paraphylétique appelé Symphyta de guêpes à la larve xylophage. C’est ainsi que les Siricoidea se caractérisent par leur long ovopositor capable de forer le bois. Dans l’embranchement le plus proche des Apocrita, on a ajouté l’Orussius abietinus.

            La distinction des Aculeata et des Terebrantes est écologique, puisque les Aculeata rassemblent tous les hyménoptères sociaux, alors que les Terebrantes forment le groupe des parasitoïdes. Nous avons ajouté Venturia canescens pour sa symbiose avec un virus immunodépresseur, le polydnavirus, qui est injecté autour de la larve inoculée : étonnante combinaison entre la forme la plus prédatrice, son caractère parasitoïde (soit un parasitisme impliquant la mort de l’hôte) et la plus coopérative, la symbiose qui constitue une dépendance réciproque vitale pour chacun. Il faut également évoquer un autre type de parasitoïdes des pucerons, les Charipidae, proches phylogénétiquement des Cynipinae qui ont développé une forme originale de parasitisme des plantes, en modifiant le développement d’une partie piquée ou mordue qui forme alors une galle à l’intérieur de laquelle sont pondus les œufs. C’est le cas du Cynips quercusfolii qui forme une galle en forme de petite mirabelle sous les feuilles de chêne.

            Du côté des Hyménoptères sociaux, les Aculeata, nous avons un peu négligé les Formicoidea qui constitue l’embranchement des fourmis, et que nous avons ici séparé des Vespidae, alors que les deux embranchements appartiennent à un même groupe, caractérisé par son entomophagie, et dont Vespula vulgaris, la guêpe commune, en est la forme la plus connue.

Unité biologique des hyménoptères

Pour en venir maintenant à l’unité biologique de cet ordre, on remarque plusieurs caractéristiques communes :

Au niveau anatomique, on remarque le mécanisme ovipositionnel situé sur l’abdomen, qui sert à déposer les œufs (comme dans l’aubier d’un tronc), mais qui peut aussi servir de dard libérant du venin, chez les Aculeata. 

Au niveau comportemental, on note souvent l’approvisionnement parental de la larve soit en la plaçant dans une source de nourriture (parasitoïdes), soit en plaçant une source de nourriture à côté de la ponte, comme la boule de pollen déposé dans la galerie par les Xylocopinae, les abeilles charpentières.

Si l’on cherche maintenant les caractères qui, dans l’évolution, ont émergé avec l’ancêtre commun des hyménoptères, on peut en proposer cinq que nous illustrerons avec des planches dessinées par Henri Goulet.

1° Les deux paires d’ailes sont membraneuses, différentiées et couplées. Les ailes antérieures sont toujours nettement plus grandes et nervurées que les postérieures. Les ailes postérieures comportent une rangée de crochets appelés hamules sur leurs marges supérieures et les ailes antérieures une sorte de « gouttière » sur la marge inférieure. Ces structures permettent aux ailes postérieures d’accrocher aux antérieures, couplant ainsi les deux ailes lors du vol, et les décrochant, pour les replier l’une sur l’autre au repos chez de nombreuses espèces.

Le Mésothorax est très développé à l’inverse du métathorax.

Ils ont des tegulae développées.

Les Hyménoptères ont des tegulae, sclérites (segments l’exosquelette) les plus antérieurs, squamiforme et aplatis de l’articulation entre l’aile et le thorax, très développées formant un petit bouclier rigide recouvrant au moins partiellement la base des ailes antérieures.

Des tergites spéciaux.

Les exosquelettes des arthropodes – les abdomens des insectes – ont trois partie : tergites (partie supérieurs, pleurites (p. latérale), sternites (p. ventrale). Chez les hyménoptères, les tergites sont très élargis, afin de couvrir latéralement les sternites.

5° Une paraglosse.

L’appareil buccal des hyménoptères est de type suceur, avec un long labium qui s’imprègne du nectar.

Pour plus de détails, vous pouvez consulter les pages consacrées aux abeilles du Liban, guêpes du Liban et fourmis du Liban.

Bibliographie

Austin Andrew, and Mark Dowton, A. Austin, M. Dowton – Hymenoptera Evolution, Biodiversity and Biological Control-CSIRO Publishing (2000)

Goulet, Henry, Hymenoptera of the World. An Identification Guide to Families-Centre for Land and Biological Resources Research (1993)

Gauld, Ian, and Barry Bolton, The Hymenoptera-Oxford University Press, USA (1988)