Amphibiens du Liban

Les amphibiens sont des animaux terrestres caractéristiques des milieux humides. En travaillant sur les marécages de Aammiq, A Rocha Liban a consacré trois études à ses amphibiens. Deux en 2004 et 2005 pour leur inventaire, et une troisième en 2023 dans l’espoir d’observer la primitive Latonia nigriventer. Cette dernière étude est toujours en cours. Le présent article bénéficie des mises à jour précieuses de Ramy Khashab et de ses photographies résultant de son incroyable travail de terrain (voir sa collection de clichés sur Herpinglebanon).

La vie a commencé dans l’eau, et de nombreux animaux terrestres commence encore leur existence par une étape aquatique. Même l’œuf des Sauropsides (tortues, oiseaux et reptiles) ainsi que l’utérus des mammifères peuvent être métaphoriquement considérés comme des échantillons de l’eau originale. Les amphibiens comprennent cela littéralement : puisque c’est dans l’eau que la vie commence, c’est dans l’eau qu’ils retournent pour s’accoupler et pondre leurs œufs.

rainette d’Arabie à Aammiq © ARL

Qu’est-ce que les amphibiens ?

Les amphibiens sont des animaux ectothermes (à sang froid) caractérisés par une peau dépourvue d’écailles, humide et perméable par laquelle ils respirent partiellement. Ils ont développé un mode de vie semi-aquatique, la plupart des espèces se reproduisant dans l’eau et passant par une étape larvaire, celle des têtards, durant laquelle ils sont doués de branchies (appareil respiratoire aquatique, avant de subir une métamorphose progressive les menant à un état adulte respirant à l’air libre. Notons que cette première étape aquatique existe également chez de nombreux insectes aériens, tels que les libellules ou les moustiques. En dehors de la période de reproduction, les grenouilles adultes utilisent les plans d’eau également pour humidifier leur peau ou se cacher des prédateurs.

Les amphibiens adultes sont carnivores (principalement insectivores), chassant activement leurs proies, faite d’invertébrés ainsi que de petits vertébrés (rongeurs, lézards, etc.), tandis que les têtards des grenouilles et des crapauds se nourrissent souvent de toute matière organique qu’ils trouvent dans l’eau.

Évolution progressive d’une grenouille verte depuis le têtard jusqu’à l’adulte. La femelle de la grenouille verte (Pelophylax bedriagae) pond ses œufs dans de grandes mares. Ils sont fertilisés de manière externe par les mâles et se développent en têtards qui grandissent rapidement, se nourrissant d’abord de matière végétale puis deviennent omnivores, et se métamorphosent en grenouilles miniatures. Les deux pattes arrière apparaissent d’abord, suivies des pattes avant, avant que la queue se résorbe. © ARL

Au Liban, huit espèces d’amphibiens ont été recensées jusqu’à aujourd’hui. Ces espèces appartiennent à deux ordres : Urodela (amphibiens dotés d’une queue, comme les salamandres) et Anura (dont les adultes sont sans queue, comme les grenouilles et les crapauds) et à cinq familles (Salamandridae, Bufonidae, Hylidae, Pelobatidae et Ranidae). On les trouve partout au Liban, des hautes montagnes aux rives des cours d’eau jusqu’au semi-désert aride du Nord de la Bekaa. Les populations d’amphibiens sont en déclin en raison de la perte d’habitat (urbanisation et agriculture), de la pollution des plans d’eau dans lesquels ils se reproduisent, et de nombreux facteurs liés à l’activité humaine.

Urodela (l’ordre des salamandres et des tritons) se caractérisent par leur apparence semblable à celle des lézards depuis la naissance et la larve est carnivore avec des branchies externes. On en recense deux espèces au Liban : la salamandre tâchetée du Proche-Orient (Salamandra infraimmaculata) et le nouveau-Té à bandes méridionales (Ommatotriton vittatus).

Grenouilles et crapauds (Anura)

Les Anura (ordre des grenouilles et des crapauds) ont un régime omnivore, et leurs larves sont sans membre à leur stade précoce (têtards). On recense six espèces de cet ordre au Liban : la grenouille verte du Levant (Pelophylax bedriagae), la grenouille arboricole du Moyen-Orient (Hyla savignyi), la grenouille arboricole arabe (Hyla felixarabica), le crapaud Pelobates syriacus, le crapaud Bufotes sitibundus et le crapaud du Caucase (Bufo verrucosissimus).

La distinction entre grenouilles et crapauds n’est plus scientifique, car il n’y a pas d’origine commune à tous les crapauds, qui sont simplement les grenouilles aux pattes courtes et à la peau verruqueuse. Le modèle des grenouilles est peut-être la grenouille verte, tandis que celui des crapauds est le genre Bufo, les vrais crapauds (voir ci-dessous).

Grenouille verte du Levant (ancienne nomenclature)

Nom scientifique : Pelophylax bedriagae

Famille : Ranidae

Etat de conservation : préoccupation mineure

Une espèce de grenouilles largement distribuée et principalement aquatique, commune près des plans d’eau permanents tels que les rivières, les lacs, les marais et les étangs agricoles. Ce sont des grenouilles relativement grandes avec une grande variété de couleurs (allant du brun au vert) et de motifs (points et rayures). L’espèce est principalement active la nuit mais est également visible assise près de l’eau pendant la journée. Ce sont des prédateurs opportunistes qui essaieront d’attraper toute proie pouvant être avalée, des insectes aux petits vertébrés tels que les poissons, les lézards et d’autres grenouilles plus petites. Les femelles pondent des milliers d’œufs entre le printemps et le début de l’été. Ces œufs sont fécondés par les mâles et se développent en petits têtards quelques semaines après avoir été pondus. Les têtards mettent 60 à 70 jours pour se métamorphoser. Pendant cette période, ils se nourrissent d’algues et d’autres matières organiques sous l’eau. Comme tous les amphibiens, ils sont très sensibles à la pollution (en particulier de l’eau) et aux changements d’habitat.

Deux différentes couleurs de grenouilles vertes du Levant. Sur la droite, un mâle féconde les oeufs à leur ponte © Ramy Khashab
Grenouilles vertes du Levant dans des variantes rayées © ARL

Rainette du Moyen-Orient, Rainette de Savignyi

Nom scientifique : Hyla savignyi

Famille : Hylidae

Etat de conservation : préoccupation mineure

Il s’agit de l’espèce la plus courante du genre Hyla. Elle est native du Liban. Ce sont de petites grenouilles semi-arboricoles que l’on peut souvent voir dans les prairies ensoleillées, les champs, les pentes humides des montagnes et les jardins où elles grimpent sur les buissons et les hautes herbes pour se chauffer ou chasser. Elles ont la capacité de changer de couleur, passant du vert clair et presque jaune lorsqu’elles sont sur la végétation au brun et gris foncé lorsqu’elles sont sur le sol ou dans l’eau pendant un certain temps. Elles sont de bons sauteurs grâce à leurs longues pattes arrière. Elles ont également les extrémités des doigts adhésives pour grimper, ainsi que des doigts palmés pour nager. Pendant la saison de reproduction, les femelles pondent des grappes de 200 à 300 œufs attachés aux algues sous l’eau. Les œufs éclosent en petits têtards gris environ 10 jours plus tard. Les têtards grandissent pendant 2 à 3 mois avant de se métamorphoser en petites grenouilles. Comme les autres espèces de petites grenouilles, les grenouilles arboricoles de Savigny sont principalement insectivores.

Deux couleurs différentes de Rainettes de Savigny © Ramy Khashab

Rainette d’Arabie

Rainette d’Arabie : Hyla felixarabic

Famille : Hylidae

Etat de conservation : préoccupation mineure

Il s’agit d’une espèce de petites grenouilles arboricoles très similaire à la grenouille arboricole de Savigny (Hyla savignyi), dont la présence a été révélée au Liban en 2019 sur la base de données génétiques montrant que la population de grenouilles arboricoles de la Bekaa est en réalité H. felixarabica, alors que H. savignyi est présente le long de la côte et du côté ouest du mont Liban. Les deux espèces sont presque identiques en apparence, avec quelques différences mineures de couleur et un son plus rond chez H. felixarabica. Comme chez sa cousine, les femelles pondent environ 250 œufs dans les étangs et les lacs. Après 10 jours, ils éclosent en petits têtards qui se métamorphosent en petites grenouilles 3 mois plus tard. Les deux espèces de grenouilles arboricoles sont fortement affectées par la pollution de l’eau et l’utilisation de pesticides sur les plantes qu’elles utilisent.

Rainettes d’Arabie dans deux teintes différentes © Ramy Khashab

Grenouille à pelle

Nom savant : Pelobates syriacus

Famille : Pelobatidae

Etat de conservation : préoccupation mineure

Une espèce rare d’amphibiens présente au Liban. On la trouve principalement dans les prairies humides et rocheuses avec des étangs et des lacs permanents, où elle est souvent enfouie dans la boue ou cachée sous les rochers. L’espèce est brune ou grise avec des taches vertes et des marbrures couvrant son corps, semblables à celles du crapaud vert (Bufotes sitibundus). Contrairement à ce dernier, la grenouille Pelobates a une peau lisse, une pupille verticale de type chat et une petite « pelle » osseuse derrière le premier orteil des deux pattes arrière. Cette « pelle » est utilisée par la grenouille pour s’enfouir dans la boue et a donné son nom à l’espèce. Elle est principalement active la nuit pendant la saison des pluies et reste enfouie sous terre tout au long de l’été. Les femelles pondent quelques milliers d’œufs dans des tubes visqueux allongés. Ses têtards sont bruns et remarquablement grands (jusqu’à 12 cm). Ils sont omnivores et consomment toute matière organique qu’ils peuvent trouver, tandis que les adultes se nourrissent principalement d’insectes et de mollusques.

Crapaud vert variable

Nom scientifique : Bufotes sitibundus (précédemment Bufo viridis)

Famille : Bufonidae

Etat de conservation : préoccupation mineure

Évidemment, les zones humides sont d’excellents endroits pour trouver des amphibiens, mais toutes les espèces n’ont pas besoin de grandes étendues d’eau. Cependant, le crapaud vert variable, une espèce très commune et largement répandue, peut être trouvé presque partout au Liban. Il s’adapte facilement à une grande variété d’habitats, du littoral méditerranéen jusqu’aux hautes montagnes et aux semi-déserts arides. Dans ce dernier habitat, il profite des bassins temporaires et des sources de montagne pour se reproduire. La plupart des œufs sont pondus au printemps, et c’est alors une course contre la montre pour se développer avant que la mare ou la source ne s’assèche. Le crapaud vert est de couleur marron avec des taches vertes et des motifs couvrant la partie supérieure de son corps. La forme et la teinte des taches vertes diffèrent d’un individu à l’autre. L’espèce a également deux bosses derrière les yeux qui sécrètent un poison laiteux comme mécanisme de défense lorsqu’elle est attrapée par un prédateur. Ce crapaud passe la plupart de son temps sur terre où il se cache dans les trous de rongeurs ou sous les rochers pendant la journée, devenant actif après la tombée de la nuit pour chasser des insectes et d’autres invertébrés. Pendant la saison de reproduction, le crapaud peut être vu en grand nombre dans ou autour des plans d’eau. Les femelles pondent des centaines d’œufs en une longue chaîne visqueuse qui est fécondée lorsqu’elle sort de la femelle. Les œufs éclosent en têtards d’un noir profond qui se transforment en adultes en 6 à 8 semaines.

Crapaud vert variable : oeufs, tétards et spécimen adulte © Ramy Khashab

Crapaud du Caucase

Nom scientifique : Bufo verrucosissimus

Famille : Bufonidae

Etat de conservation : quasi-menacé

Contrairement au crapaud vert, la présence de cette espèce est limitée à quelques localités au Liban. Bien que les adultes soient principalement terrestres, l’espèce habite des vallées de rivières pérennes avec une humidité élevée et une végétation dense produisant une litière de feuilles. L’espèce est brune avec une peau rugueuse et sèche et deux bosses sécrétant du poison derrière les yeux (efficaces uniquement si mordues et ingérées par le prédateur). En raison de sa corpulence et de ses courtes pattes arrière, ce crapaud ne peut pas effectuer de grands sauts et se déplace plutôt en rampant. Comme la plupart des amphibiens, il devient principalement active la nuit pour rechercher sa nourriture composée d’invertébrés. La saison de reproduction a lieu au début du printemps, et les femelles pondent des œufs en longues chaînes visqueuses et doublées dans les poches de rivière plus proches de la terre où l’eau est presque immobile. Les œufs éclosent en minuscules têtards noirs environ 10 jours après leur ponte. Les têtards se métamorphosent en tout petits crapauds (1 centimètre) quelques mois plus tard.

Urodela

Salamandre tâcheté du Proche-Orient

Nom scientifique : Salamandra infraimmaculata

Famille :  Salamandridae

Etat de conservation : quasi-menacé

C’est la plus grande espèce de salamandres de feu au monde (jusqu’à 32 cm), les femelles étant plus grandes que les mâles. Elle habite généralement des zones humides riches en végétation et en litière de feuilles, où elle devient principalement active la nuit pendant la saison des pluies. L’espèce a une peau lisse et brillante, noire avec des taches jaune vif de forme et de taille différentes couvrant tout le corps sauf le dessous. Les taches jaunes servent de couleur d’avertissement aux prédateurs, indiquant que la salamandre est toxique si elle est consommée (on parle d’aposématisme). Son régime alimentaire se compose principalement d’invertébrés tels que les vers et les insectes, mais les salamandres les plus grandes peuvent facilement consommer de petits vertébrés tels que des jeunes grenouilles ou des petits lézards. La reproduction commence avec le début de la saison des pluies, pendant laquelle les femelles sont fécondées par le spermatophore (une petite capsule protéique contenant des spermatozoïdes) laissé par les mâles sur les feuilles et les herbes. Lorsqu’elle est prête, la femelle donne naissance dans un plan d’eau à quelques 200 larves. La larve nouveau-née est de couleur brun jaunâtre, avec des branchies externes et des membres minuscules entièrement développés. Contrairement aux têtards de grenouilles, les larves de salamandres sont carnivores et chassent tout ce qu’elles peuvent capturer, même leurs propres frères et sœurs plus petits.

Nouveau-Té à bandes méridionale

Nom scientifique : Ommatotriton vittatus

Famille :  Salamandridae

Etat de conservation : préoccupation mineure

Il s’agit d’une espèce plus petite (10-15 cm), moins commune de la famille des Salamandridae. Comme la salamandre tachetée, son activité est principalement associée à la saison des pluies, émergeant alors de ses cachettes estivales pour se reproduire et se nourrir. En dehors de la période de reproduction, cette espèce est généralement de couleur brune, avec un ventre jaune ou orange, et souvent une tache blanchâtre derrière chaque œil. À l’approche de la saison des amours, les tritons adoptent un mode de vie entièrement aquatique. Pendant cette période, les mâles deviennent plus hauts en couleur (tâches vert foncé) et développent une crête sur leur dos attirant les femelles (plus la crête est grande, plus ses chances d’attirer l’attention d’une femelle sont élevées). Les femelles pondent leurs œufs sur des algues ou les enroulent dans des herbes sous l’eau. Les œufs éclosent en larves minuscules (1 cm) peu de temps après la ponte. La larve éclose est de couleur grise, avec des branchies externes et de minuscules membres. Les adultes et les larves quittent tous deux le plan d’eau de reproduction et passent à leur phase terrestre en préparation de la prochaine saison sèche se nourrissant d’invertébrés tant terrestres qu’aquatiques.

Bibliographie

Husein Ali Zorkot, A guide to the Amphibians of Lebanon and the Middle East, Beyrouth, SPNL, 2000.