Les serpents du Liban
Les serpents sont des animaux parfaitement adaptés à leur environnement à même le sol, et ils ont développé un mode de locomotion gracieux et, surtout, silencieux : le rampement. Leur absence d’appendices rend très difficile le discernement de leur mouvement au milieu de l’herbe, ce qui leur permet d’approcher facilement leurs proies. En outre, leur corps flexible peut s’introduire et se lover dans les plus petits interstices, atteignant les nids dissimulés entre les pierres, ou rejoignant les rongeurs au fond de leurs terriers. Selon les espèces, ils peuvent privilégier les arbres ou l’eau ou le sol. Au niveau écologique, ces prédateurs sont d’importants régulateurs des populations de rongeurs, d’insectes, d’oiseaux ou de lézards.
Au niveau systémique, les serpents (sous-ordre des Serpentes) sont des squamates carnivores sans membre (l’ordre des Squamata contient également les lézards). Animaux à sang froid, ils peuvent être rencontrés partout dans le monde, excepté les latitudes les plus glacées. Ils sont caractérisés par leur corps allongé, leur manque de paupière et d’oreille externe, ainsi que leurs mâchoires mobiles (dispositif permis par des tendons en ligaments) et leur peau élastique qui leur permettent d’avaler des proies d’un diamètre supérieur au leur. Leur taille s’étend de quelques centimètres (serpent fil de la Barbade) à 8 mètres (pour le python réticulé). On associe communément le serpent au danger. Pourtant, sur les 4 000 espèces connues à ce jour, seules 600 sont venimeuses, soit pas plus de 15% d’entre elles. C’est pourquoi l’on doit apprendre à distinguer ces quelques espèces venimeuses de la foule inoffensive des serpents, avant de penser à leur porter atteinte, surtout qu’ils constituent des alliés majeurs dans la limitation des populations de souris et de rats.
Les serpents du Liban
Le Liban accueille 25 espèces de serpents, 8 d’entre elles sont dotées de venin, mais seulement 3 constituent un danger pour l’homme. Les serpents du Liban appartiennent à 6 familles : principalement les Colubridae, mais également les Psammophiidae, les Viperidae, les Boidae, les Micrelapidae, et les Typhlopidae.
Certaines espèces se rencontrent aisément dans une variété d’habitats, tandis que d’autres sont adaptées à un habitat très particulier, comme le semi-désert ou les sommets rocailleux des montagnes. Les serpents du Liban sont ovipares (ils déposent des œufs), à l’exception du Boa des sables (Eryx jaculus) et la vipère du Liban (Montivipera bornmuelleri) qui accouchent de sa progéniture.
Malheureusement, en raison de l’ignorance et de la crainte des gens, quantité de serpents sont tués chaque année, impliquant l’effondrement de leurs populations. Afin d’initier à la cohabitation avec nos amis reptiliens, nous avons classé les serpents du Liban selon leur degré de toxicité : les serpents non venimeux, les serpents au venin inoffensif pour l’homme, les serpents venimeux pouvant représenter un danger en cas de morsure.
Les serpents non venimeux
Familles : Colubridae, Boidae, Typhlopidae – 17 espèces
La contemplation de la beauté des serpents et de leur mode de vie est accessible sans crainte avec les représentants de ces familles. En revanche, leur observation requiert une grande discrétion, le moindre mouvement les faisant fuir. Il en résulte qu’on n’en voit rarement plus qu’une queue disparaissant dans les fourrés.
Ces serpents ne possèdent ni de glandes à venin, ni de croc. Ils utilisent alors d’autres mécanismes pour se défendre : certains imitent l’apparence d’un serpent très venimeux, d’autres émettent une substance malodorante, d’autres pratiquent la thanatosis (ils font le mort), et à la limite, ils mordent de façon tout à fait inoffensive. Cette catégorie regroupent certaines des espèces les plus courantes présentes au Liban.
Les serpents non-venimeux les plus courants
La couleuvre rouge-gorge (Dolichophis jugularis) est aussi impressionnante qu’inoffensive et utile. Atteignant 3 mètres de long, il se revêt d’une robe noire de jais à l’âge adulte. Il se nourrit de petits rongeurs qu’il tue par strangulation et grimpe aux arbres ou le long des murs pour atteindre les nids d’oiseaux. Doués d’un métabolisme rapide pour un reptile, il consomme de nombreuses souris, ce qui en fait un régulateur important des populations de rongeurs.
© Ramy Khashab
La forme juvenile, encore petite et plus vulnérable, n’est pas noire, mais tâchetée de gris et de marron, favorisant son camouflage. C’est à partir du moment où il dépasse un mètre que les couleurs s’estompent.
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La couleuvre fouet rouge (Platyceps collaris) (anciennement Coluber rubriceps) est un serpent d’une grande agilité qu’on rencontre à basse altitude dans tout le Liban. Il habite dans les prairies, les jardins et les vergers riches en lézards dont il se nourrit.
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La couleuvre tessellée (Natrix tessellata) est un serpent d’eau qu’on rencontre toujours à proximité des étangs et autres étendues d’eau. Reconnaissable à son cou effilé, ce serpent peut mesurer jusqu’à 1,40m. C’est un parfait nageur et il se nourrit de poissons et d’amphibiens.
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Quand il attrape une grenouille, il la tient dans la bouche et les mouvements de la proie la poussent progressivement au fond de sa gorge. Cela peut prendre une demi-heure pour que la grenouille, toujours vivante et croassante, soit engloutie.
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Hemorrhois nummifer est souvent craint, car cette couleuvre est confondue avec la vipère de Palestine. En effet, elle a développé un mimétisme batésien qui l’a conduit à partager la même apparence que ce serpent venimeux avec lequel elle partage le même habitat (voir plus bas). Elle est cependant plus effilée que la vipère qui est plus trapue.
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Les espèces moins courantes
Certaines espèces non venimeuses sont restreintes à un habitat spécifique et de distribution plus limitée au Liban.
C’est d’abord le cas de la couleuvre de Dahl (Platyceps najadum – auparavant Coluber najadum) qui est moins commune que son grand cousin, Platyceps collaris. Elle réside dans les terrains pierreux et secs parsemés de buissons jusqu’à une altitude de 2 000 mètres dans les régions nord du Liban.
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Hemorrhois ravergieri ne se trouve qu’en altitude dans les regions arides du mont Liban et du mont anti-Liban. Tout comme son cousin Hemorrhois nummifer, il imite le serpent venimeux qui partage le même habitat au mont Liban, cette fois-ci, la vipère du Liban (Montivipera bornmuelleri).
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Zamenis hohenackeri est un serpent au mouvement lent et doux qui peut être trouvé entre 200m et 2500m d’altitude. A la différence de la plupart des serpents, il préfère développer son activité dans les lieux sombres au couvert végétal épais.
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Spalerosophis diadema est le serpent dont la présence au Liban n’a été que récemment découverte. Il ne se trouve que dans les parties semi-désertiques du pays. Bien qu’il soit principalement diurne, on peut le voir en activité la nuit lors de la chaude saison.
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Les serpents insectivores
Parmi les serpents inoffensifs insectivores, on trouve cinq espèces de serpents nains (du genre Eirenis).
Le serpent nain à rayures serrées (Eirenis decemlineatus) est l’espèce la plus grande au sein du genre Eirenis. Il en existe deux formes qui partagent le même habitat : l’une possède de longues lignes noires, et l’autre ne possède pas de motifs (tout au plus de très pâles lignes).
Eirenis levantinus est l’espèce de serpents nains la plus répandue au Liban. Il s’agit d’une espèce à l’activité surtout diurne qui se nourrit de grands insectes, incluant même les centipèdes venimeux comme Scolopendra cingulata.
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Eirenis lineomaculatus est un serpent nain au corps trapus qui se nourrit principalement d’arachnides comme les scorpions du genre Scorpio.
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Eirenis coronilla est la moins connue des espèces du genre Eirenis pourtant native du Liban. Sa presence est restreinte aux zones semi-désertiques du nord Bekaa. On la trouve sous deux apparences.
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Eirenis rothii est un petit serpent à la tête aplatie qui est adapté à un mode de vie d’animal fouisseur. Sa coloration est proche de celle du (Levantine Dwarf Snake), sauf qu’on le trouve surtout au sud du pays.
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Il ne faut pas non plus le confondre avec Rhynchocalamus melanocephalus, un petit serpent jaune à la tête noire et aux écailles brillante. Ce serpent se nourrit de larves d’insectes tendres et inoffensives trouvées sous les rochers.
Un des serpents les plus rares de la région et qui souffre du manque d’étude est Elaphe druzei – précédemment Elaphe quatrolineata). Il peut être trouvé jusqu’à 2 500 mètres d’altitude.
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Les serpents fouisseurs
Un troisième groupe de serpents inoffensifs regroupe les espèces vivant sous terre, ou qui y passent la majeure partie de leur temps. On ne les rencontre par conséquent pratiquement jamais à la surface, et leur observation est donc un défi pour les herpétologues (les spécialistes des reptiles).
Eryx jaculus est un petit serpent musculeux au cou épais, la tête réduite et un bouclier rostral proéminent. Cette espèce pratique la chasse à l’embûche des lézards et des rongeurs en enterrant son corps tandis que sa tête reste à la surface en attendant le passage éventuel d’une proie.
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Xerotyphlops syriacus est une espèce entièrement fouisseuse qui passe l’intégralité de son existence sous terre. Elle ne possède en conséquence que des yeux résiduels, un museau émoussé et des écailles lisses. On peut rencontrer cette espèce à l’intérieur des colonies de fourmis dans lesquelles elles se nourrissent des larves.
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Les serpents faiblement venimeux
Familles: Psammophiidae, Colubridae, Micrelapidae – 5 espèces
Cette categories regroupe cinq espèces douées de crocs (rear-fanged), ce qui signifie que leurs crocs sont situés au fond de la bouche et sécrètent un venin de faible toxicité.
La couleuvre de Montpellier (Malpolon insignitus, précédemment monspessulanus) a conquis tout type d’habitat jusqu’à l’altitude de 2 000 mètres. Elle se nourrit d’autres reptiles, y compris des serpents venimeux.
This specimen is a male © Ramy Khashab
Les serpents nocturnes
On trouve deux types de serpents faiblement venimeux au mode de vie nocturne : Telescopus fallax syriacus et Telescopus nigriceps qui se nourrissent en premier lieu de geckos et autres lézards.
Le serpent ratier à quatre bandes (Psammophis schokari), serpent natif du Liban est sans doute aussi le plus rapide et le plus dynamique. Doué d’une excellente vue, il cible ainsi ses proies et repère les dangers. Il semble cependant assez rare au Liban, avec seulement dix observations jusqu’en 2023.
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Micrelaps muelleri est un petit serpent partiellement fouisseur, il est aisément reconnaissable à ses bandes jaunes et noires.
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Les serpent hautement venimeux
Famille : Viperidae – 3 espèces
Les trois serpents hautement venimeux du Liban sont des vipères. La morsure de l’un d’eux requiert une hospitalisation et, cas rares, peut avoir une issue fatale. Les vipères sont reconnaissables à leur corps épais, leur taille courte, leurs écailles écrêtés et non lisses et leur tête rendue triangulaire par la présence des glandes à venin dans les joues.
Macrovipera lebetina est la plus grange des vipères du Liban, elle possède aussi la plus grande toxicité.
Pourtant, la mauvaise réputation est portée par la vipère de Palestine (Daboia palaestinae) du fait de sa plus large distribution, de son attitude défensive et de ce caractère curieux qui la conduit à proximité des habitations humaines à la recherche des rongeurs. Son habitat englobe les forêts de chêne, les vergers et les jardins. Elle est surtout active la nuit.
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La troisième espace est un serpent de montagne endémique du Levant : Montivipera bornmuelleri. C’est la plus petite des trois vipères, et la moins dangereuse pour l’homme de fait de sa distribution limitée aux grandes altitudes où la présence humaine est moindre. Son existence est pourtant menacée.
Bibliographie
Souad Hraoui-Bloquet, Riyad Sadek, Roberto Sindaco, & Alberto Venchi, « The herpetofauna of Lebanon: new data on distribution, Zoology in the Middle East, vol 27 (2002)
Souad Hraoui-Bloquet, Riyad Sadek, Walid Hleihel, Ziad Fajloun, « An ecological study of the Lebanon Mountain viper Montivipera Bornmuelleri (Werner, 1898) with a preliminary biochemical characterization of its venom, » Lebanese Science Journal, Vol. 13, No. 1 (2012)